Le Pianiste (The Pianist) de Roman Polanski - 2002 - Shangols (2024)

Franchement, avec ce qu'il a vécu (le ghetto de Varsovie, la déportation de sa famille, l'assassinat de sa femme, auxquels il faut ajouter avoir Mathilde Seigner comme belle-soeur), on peut bien pardonner à Polanski d'avoir collé son pénis dans des mineures... Oh, ça va je plaisante, rhoooo lala. C'est pour détendre l'atmosphère après ma deuxième vision du Pianiste, film qui ne se situe pas tout à fait dans le registre de la comédie débridée. Il y est en effet question d'une des plus grandes horreurs de l'Histoire, le sort réservé aux Juifs pendant la deuxième guerre, à travers le destin incroyable de Władysław Szpilman, pianiste de génie dont l'ascension professionnelle va être stoppée net par la guerre, les exactions et le nécessaire exil. L'exil du gars, justement, a ceci de particulier qu'il se situe en plein dans la gueule du loup : sauvé miraculeusement de la déportation, il va survivre caché à deux pas du ghetto de Varsovie, isolé comme une bête traquée dans le chaos total. De coups du sort en petits miracles, notre gars va traverser la guerre en spectateur médusé et en sortir vivant. Et Polanski nous propose une expérience similaire en nous plongeant corps et bien dans l'horreur absolue pendant 2 heures et demi, nous faisant éprouver presque dans notre chair l'effroi, la famine, le froid, la mort. On a connu plus sympa comme épreuve, mais le fait est : le film est surpuissant, irréprochable au niveau de la véracité et en même temps jamais froid ou distancé, toujours au plus près de l'humain et de ses vicissitudes.

Je m'affligeais il y a peu de temps devant l'indigence de la reconstitution de J'Accuse. En voyant Le Pianiste, on se rend compte du talent qu'a pu avoir Polanski pour cet exercice il y a encore peu de temps. Tout dans le film fait vrai, peut-être parce que le cinéaste a vécu les choses : du tout petit accessoire au trentième figurant, du bout de décor au costume du SS au quinzième plan, tout est authentique et nous invite à nous replonger sans frein dans cette époque. C'est même presque dommage que Polanski fasse parler à ses Polonais un anglais parfait, seule concession, mais de taille (surtout que les Alemands, eux, parlent dans leur langue). Oublions ça : on a vu énormément de films sur le sujet, mais celui-ci est un des tout meilleurs par la sincérité totale de ce qui y est raconté. Avec une tristesse communicative, Polanski filme son petit personnage contempler la fin du monde. Le film a tout d'une élégie, d'une longue prière, d'un kaddish, pour rester dans l'esprit : beaucoup plus qu'une dénonciation, il nous invite à pleurer nos morts en même temps que le gars pleure les siens. Les scènes directement violentes vous rentrent dans la tête comme Levi a pu le faire dans Si c'est un homme : des scènes froides, directes, sans pincettes, qui vous montrent des Allemands qui balancent un vieux par une fenêtre ou qui assassinent tout un rang de prisonniers sans aucun sentiment, des prisonniers se bouffer entre eux pour survivre, la bassesse humaine dans tous ses excès. Les notes d'espoir sont peu fréquentes, mais quand elles arrivent, elles sont comme un baume au coeur : un mouvement de solidarité, un morceau de piano qui résonne dans le vide... C'est la musique qui va littéralement sauver Władysław, ce dernier rempart de beauté dans un monde voué au chaos.

Polanski fabrique une mise en scène certes très classique, ne se permettant pas de faire le malin avec le style comme a pu le faire Spielberg. Mais elle n'est pas anonyme pour autant : Polanski filme le ghetto bombardé comme un univers de science-fiction et excelle à rendre étranges les lieux où s'exile son héros, rendant presque abstrait son exil. Władysław observe tout depuis les fenêtres des chambres où il se cache, comme extérieur à la guerre, et la mise en scène rend très concrète cette impression de traversée en parallèle des événements. Brody est également parfait pour rendre la chose : intense, malheureux comme une pierre et parvenant à faire passer cet état dans son corps, il charge son petit regard de gosse de toute la peine du monde, et rend compte physiquement de la tragédie qui l'entoure. Bref, tout est parfait là-dedans, et le résultat, spectaculaire, haletant, éprouvant, sensible, rend pleinement justice à l'expérience personnelle qu'a dû vivre Polanski. Une Palme obligatoire.

Quand Cannes,

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Author: Lidia Grady

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